Avec la prise de conscience que, seule, l’électrification ne suffira pas à décarboner certains secteurs, l’hydrogène – et plus particulièrement l’hydrogène vert – est devenu un sujet à la mode.
Plusieurs gouvernements ont annoncé des plans ambitieux pour son développement, de grands industriels démarrent des expériences pilotes ou mettent en place des coalitions. Des dizaines de GW de capacité, des dizaines de milliards d’euros d’investissements sont prévus. Et il en faut encore plus pour atteindre l’échelle critique.
La production et l’utilisation de l’hydrogène ne sont pas nouveaux, mais c’est sa version sans émissions appelée hydrogène vert, produite à partir d’énergies renouvelables, qui commence à attirer l’attention.
L’électrolyse est utilisée, conduisant un courant électrique à travers de l’eau, séparant l’hydrogène et l’oxygène qui la compose. Quand ce procédé est alimenté par des sources d’énergie renouvelable, il ne génère pas d’émissions de carbone.
Pourquoi cette explosion d’annonces alors que l’utilisation de l’électrolyse, les technologies de production d’électricité solaire et éolienne existent déjà, que l’hydrogène est utilisé dans les process industriels ou pour alimenter voitures et trains.
L’attention croissante est due à un alignement des intérêts des différents acteurs impliqués et à la création d’une chaine de valeur à part entière.
Tout d’abord, les acheteurs. Raffineries et producteurs de fertilisants consomment 95 % de la demande mondiale d’hydrogène. D’autres industries (comme l’acier) peuvent générer des opportunités de croissance en utilisant l’hydrogène comme matière première ou dans un process de chaleur à haute température. Le transport longue distance pour lequel l’électrification s’avère difficile (transports maritime, aérien, poids lourds…) pourrait également trouver un intérêt à basculer des énergies fossiles à l’hydrogène. Pour la production d’électricité, des turbines à gaz fonctionnant à l’hydrogène pourraient venir en soutien quand les énergies renouvelables ne sont pas disponibles en quantités suffisantes.
Ensuite, l’énergie renouvelable produite grâce au solaire photovoltaïque ou à l’éolien (terrestre ou en mer) ont des limites : ils produisent trop ou pas assez ou de façon non alignée à la demande. Quand ils produisent trop d’électricité, cela provoque une baisse des prix de gros (jusqu’à atteindre des niveaux négatifs) et leur accès au réseau peut être limité. Quand des quantités insuffisantes d’électricité sont générées grâce au soleil et au vent, il faut se tourner vers des alternatives utilisant des énergies fossiles.
La production d’hydrogène pourrait contribuer à résoudre ces problèmes : l’électrolyse étant fortement consommatrice d’électricité, elle pourrait augmenter la demande quand les énergies renouvelables produisent beaucoup. Le prix serait maintenu et les restrictions évitées. De plus cela pourrait contribuer à l’équilibrage du réseau.
Comme toute technologie, l’hydrogène vert a des avantages et des inconvénients :
- Il n’émet de CO2 ni en étant produit, ni en étant utilisé.
- Il peut être transformé en d’autres substances pour fournir matières premières ou électricité.
- Il est transportable.
Du côté des inconvénients:
- Les coûts sont élevés. Même si les coûts de production d’électricité à base d’énergies renouvelables ont baissé, ils sont toujours supérieurs à ceux des énergies fossiles dans de nombreux pays. De plus, l’électrolyse nécessite des quantités importantes d’électricité impactant le coût total du process.
- L’hydrogène étant instable et inflammable, des mesures spécifiques de sécurité sont nécessaires.
- Des pertes de conversion se produisent quand l’hydrogène est transformé, pour le transport par example.
La croissance des deux principaux composants du process, l’énergie renouvelable et les électrolysers, est liée : Goldman Sachs prévoit que chaque GW d’électrolyser nécessite le double en production dédiée, solaire ou éolienne.
Cette croissance conjointe n’est pas le seul alignement dans la chaîne de valeur : les collaborations se multiplient entre les producteurs d’énergie renouvelable, les fabricants d’électrolysers et les acheteurs ou à l’intérieur de clusters dédiés où viennent s’ajouter gestionnaires de réseaux de gaz ou d’électricité ou des grands industriels.
Iberdrola et Orsted développent chacun de leur côté des projets avec des fabricants de fertilisants. Ils collaborent ensemble, avec ACWA Power, CWP Renewables, Envision, Snam et Yara dans une alliance, Green Hydrogen Catapult, qui vise à déployer 25 GW de capacité de production d’hydrogène vert d’ici 2026.
Shell et Gasunie ont récemment démarré une étude de faisabilité pour 3 à 4 GW d’éolien en mer pour produire de l’hydrogène dans le port d’Ems aux Pays-Bas, ensuite distribué aux industries et aux particuliers par le biais du réseau de gaz naturel.
Ce sont juste quelques exemples de projet en cours de développement. Les volumes engagés dans les initiatives gouvernementales ou des sociétés vont permettre de réduire le plus grand obstacle pour l’instant, le coût, pour que l’hydrogène devienne compétitif avec son pendant « gris ».
Les pays disposant d’une importante base de renouvelables et de prix bas de l’électricité vont concentrer les volumes d’électrolysers les plus importants, et devenir des exportateurs d’hydrogène vert. Des clusters (tels que des ports) regroupant la fourniture d’électricité produite par des centrales solaires ou éoliennes, des utilisateurs industriels et l’infrastructure de transport deviendront le premier maillon d’un nouveau réseau.
La valeur de l’ensemble de la chaine de l’hydrogène naîtra de la création d’écosystèmes utilisant les forces et les besoins des différents acteurs.
Sources: Hydrogen Council, Goldman Sachs, companies website – Visuel: iStock