Nous sommes au début d’une longue transition vers des investissements plus durables. Grâce à une prise de conscience croissante et une aspiration pour le développement durable, les flux d’investissement ont commencé à changer de trajectoire.
Les obligations vertes sont en plein expansion et les investisseurs commencent à délaisser les sociétés focalisées sur les énergies fossiles et les actifs à forte intensité carboniques. Les entreprises établies sont défiées non seulement sur les produits qu’elles commercialisent mais aussi sur leur valeur boursière.
Ces derniers mois, deux nouvelles ont fait la une : Tesla dépassant Toyota en capitalisation boursière, NextEra faisant de même avec Exxon Mobil.
La valeur boursière de Tesla atteint maintenant 500 milliards de dollars, soit plus que la somme de ses trois suivants. Malgré tout, Toyota, le deuxième, produit 3.5 million de véhicules par trimestre quand Tesla n’ en a annoncé que 145’000 pour le troisième trimestre de 2020.
500 milliards de dollars, c’était la valeur boursière d’Exxon Mobil en 2007, avant de chuter et d’atteindre cette année 142 milliards de dollars alors que NextEra dépassait les 145 milliards. Pourtant, en 2019, le bénéfice d’exploitation d’Exxon Mobil était plus de trois fois supérieur à celui de NextEra.
Il y a un dénominateur commun à ces deux exemples : plus qu’à une performance financière, les actionnaires souscrivent à un positionnement. Ils parient sur de nouveaux business models, basés sur les énergies renouvelables, le stockage d’électricité et les véhicules électriques plus que sur des niveaux de chiffres d’affaires ou de profits.
Certains investisseurs ciblent des sociétés ayant des répercussions positives sur les problèmes Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) tout en éliminant de leur portefeuille d’autres perçues comme moins vertueuses sur ce sujet.
Une question de valeurs mais aussi d’opportunités, en investissant dans des acteurs novateurs dans des marchés en plein croissance – énergie renouvelable ou véhicules électriques – comme c’est le cas de Tesla, NextEra, Iberdrola, Enel, Orstead…. Ils ont vu leur valeur boursière augmenter entre 2017 et 2019 de 44% pour Tesla (avant d’être multipliée par 7 en 2020 par rapport à 2017), de 61% pour NextEra, 45% pour Iberdrola, 38% pour Enel et 100% pour Orsted.
Une stratégie moins vertueuse consiste à éviter les sociétés confrontées à des risques importants. Pétroliers, constructeurs automobiles ou producteurs d’électricité font face à des risques croissants liés aux conséquences du changement climatique. Les fermetures anticipées de sites, dues à un manque de rentabilité, des réglementations plus strictes ou des taxes en hausse, impliquent d’énormes pertes d’amortissement. Les changements de réglementations limitant les émissions polluantes peuvent aussi entrainer des défauts de conformité et des amendes record. Enfin, la compétition croissante des nouvelles technologies développées par leurs challengers impacte leurs revenus et réduit le retour sur investissement.
En plus du marché boursier, les flux d’investissements utilisent d’autres pistes : les obligations vertes et les fonds basés sur le développement durable.
Afin de financer leur développement, des entreprises (mais aussi des pays, des banques de développement…) lancent des obligations vertes, rattachées à la mise en place de projets de développement durable (principalement dans les énergies renouvelables, la mobilité ou les bâtiments). Cet outil de financement en plein croissance a atteint près de 260 milliards en 2019, d’après le Climate Bonds Initiative. Si les producteurs d’électricité font partie des plus grosses sociétés émettrices des entreprises comme Apple, Unilever ou PepsiCo utilisent également ce type de financement.
Un des premiers émetteurs d’obligations vertes (pour un total de 4.4 milliard d’euros), Enel, compagnie d’électricité italienne, a été encore plus loin en octobre dernier. Ils ont lancé des « sustainability-linked bonds » d’un montant de 500 million de livres sur le marché britannique. Ce produit financier est directement lié à un engagement d’amélioration d’objectifs de développement durable mesurés d’année en année. Chanel et Novartis font également partie des utilisateurs.
Deux des hommes les plus riches de la planète ont choisi une autre route pour financer des initiatives liées au changement climatique : Jeff Bezos et Bill Gates, ont créé leur propre fond d’investissement. Le premier s’est engagé à aider scientifiques, activistes par le biais de subventions d’un total de 10 milliards de dollars. Le second dirige le Breakthrough Energy Ventures (BEV) qui prévoit d’investir 1 milliard de dollars dans des start-ups du domaine d l’énergie dont l’objectif est de réduire drastiquement les émissions polluantes.
La finance durable et le redéploiement du capital des grandes sociétés de l’énergie et de la mobilité n’en sont qu’au début. Bien sûr, cela ne fonctionnera que si ce n’est pas juste du « green washing ». Et bien sûr, ces actions pourraient être plus rapide et plus importantes. Mais de tels changements de mentalités, de systèmes, d’infrastructures, de financement et de gouvernance ne peuvent être faits en 24 heures. Toute action dans la bonne direction a un impact.
Les innovations dans le domaine du financement ont leur rôle à jouer dans la transition vers un monde plus durable.
(Sources: sites web des sociétés, BlackRock, CNBC, Forbes, MarketScreener, )